Loi Immigration et métiers en tension

A la une, L'actu du CHRD — 13 février 2024


La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration (dite Loi immigration) a été publiée au Journal Officiel du 27 janvier 2024.

Cette loi :
– Encadre la procédure de régularisation des travailleurs étrangers dans les métiers dits en tension (1) ;
– Instaure une nouvelle amende administrative pour remplacer la contribution spéciale
et la contribution de l’OFII ;
– Instaure une obligation pour l’entreprise de contribuer à l’apprentissage du français
par les salariés étrangers ;
– Encadre l’accès aux aides sociales des salariés étrangers.
Elle a pour objet de lutter contre l’immigration irrégulière et de durcir les sanctions envers les
employeurs qui embaucheraient de manière irrégulière des salariés étrangers.
Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur au lendemain de la publication de la loi.
Toutefois, des dates spécifiques d’application ont été prévues pour certaines dispositions.

I – La procédure de régularisation des travailleurs étrangers dans les métiers dits en tension
La loi du 26 janvier 2024 prévoit qu’un travailleur étranger peut se voir délivrer à titre exceptionnel
une carte de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur temporaire » d’une durée d’un an. La
procédure peut être initiée par le salarié indépendamment de l’employeur (Instruction ministérielle
du 5 février 2024). De plus, la demande est individuelle.

Cette délivrance est effectuée sous plusieurs conditions cumulatives :
– Avoir exercé comme salarié pendant au moins 12 mois consécutifs ou non, au cours des 24
derniers mois, dans un « métier en tension » relevant de la « liste des métiers et des zones
géographiques caractérisées par des difficultés de recrutement » et toujours occuper un tel
métier au moment de sa demande ;
– Justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au moins 3 années en France ;
– Ne pas avoir été frappé d’une condamnation, incapacité ou déchéance inscrite au volet n° 2 du
casier judiciaire.

Les périodes de séjour et de travail sous couvert des titres de séjour « travailleur saisonnier »,
« étudiant » et de l’attestation de demande d’asile ne sont pas prises en compte pour obtenir cette
carte de séjour temporaire.

Néanmoins, ces conditions ne sont pas opposables au préfet, qui demeure libre de faire droit ou non
à la demande de carte de séjour, y compris si le travailleur étranger satisfait à ces conditions. Outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, pour délivrer le titre de séjour,
le préfet doit également prendre en compte l’insertion sociale et familiale, le respect de l’ordre public,
l’intégration à la société française, l’adhésion au mode de vie et aux valeurs de la société française et
aux principes de la République.

Attention, le titre de séjour ne vaut pas autorisation de travail. Ce n’est qu’une fois la réalité de
l’activité de l’étranger vérifiée que la délivrance de la carte entrainera celle de l’autorisation de travail,
matérialisée par un document sécurisé. A cet égard, l’administration peut vérifier « par tout moyen »
la réalité de l’activité du travailleur étranger.

Si un ressortissant étranger souhaite un contrat de travail pour une activité professionnelle ne figurant
pas dans la liste des métiers en tension, il doit solliciter une autorisation de travail avant la signature
de ce contrat de travail.

Cette mesure s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2026.

(1) La liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement, dans
lesquels la situation du marché de l’emploi n’est pas opposable pour la délivrance des autorisations
de travail, sera actualisée au moins une fois par an (article L. 414-13 Code des étrangers). Cette liste est établie par l’autorité administrative après consultation des organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés. La dernière mise à jour de cette liste date de 2021, elle est consultable ici.

II – L’amende administrative remplace la contribution spéciale et la contribution à l’OFII
La loi du 26 janvier 2024 instaure une nouvelle amende administrative avec un champ d’application
renforcé. Cette nouvelle amende remplace la contribution forfaitaire à l’Office Français de
l’Immigration et de l’Intégration (OFII) et la contribution spéciale.

En effet, jusqu’alors, tout employeur qui employait un travailleur étranger sans autorisation de travail
devait verser à l’OFII une contribution spéciale ainsi qu’une contribution forfaitaire représentative des
frais d’éloignement du territoire français de l’étranger concerné, lorsque celui-ci était par ailleurs en
situation de séjour irrégulier.

La loi Immigration supprime ces contributions au profit d’une nouvelle amende administrative.
Cette nouvelle amende administrative peut être prononcée en cas :
– D’embauche, de conservation à son service ou d’emploi d’un étranger sans titre de travail
l’autorisant à exercer une activité en France ;
– D’embauche ou de conservation à son service d’un étranger disposant d’un titre de travail mais
embauché au sein d’une profession, zone géographique ou catégorie professionnelle autres
que celles mentionnées sur le titre l’autorisant à travailler en France ;
– De recours volontaire aux services d’un employeur d’un étranger non autoriser à travailler.
Elle est prononcée par le ministre chargé de l’Immigration (et non plus par l’OFII) au regard des procès-verbaux mais aussi des rapports des agents de contrôles.
Cette nouvelle amende administrative est au plus égale à 5 000 fois le taux horaire du minimum
garanti (soit un maximum de 20 750 € pour 2024 : 4.15 € x 5 000) par travailleur étranger concerné.
En cas de réitération, l’amende peut être majorée dans un maximum de 15 000 fois le minimum
garanti.
Son montant est déterminé par le ministre en charge de l’Immigration en fonction des capacités
financières de l’auteur, du degré d’intentionnalité, du degré de la négligence commise et des frais
d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger.
Les conditions d’application seront précisées par décret.

III – Doublement du montant maximal de l’amende pénale
En parallèle des dispositions susvisées, le montant de l’amende pénale encourue en cas d’emploi
d’étranger sans titre de travail passe de 15 000 € à 30 000 € par travailleur étranger concerné et son
champ d’application est élargi au cas de l’emploi d’un étranger dans une catégorie professionnelle,
une profession ou une zone géographique autres que celles mentionnées sur son titre de travail.
Dans le cas où l’employeur se verrait infliger l’amende administrative et l’amende pénale, le montant
global des amendes prononcées ne peut pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions
encourues.

IV – Contribution des entreprises dans l’apprentissages de la langue française par les salariés
étrangers
La loi du 26 janvier 2024 prévoit plusieurs mesures pour organiser la contribution des employeurs à
l’apprentissage du français.

La première mesure consiste à la mobilisation du plan de développement des compétences. Dans le
cadre des actions de formation, l’employeur peut proposer des formations à destination des salariés
allophones leur permettant d’atteindre un niveau minimal en français qui sera fixé par décret.

La seconde mesure permet aux salariés allophones signataires du contrat d’intégration républicaine
de suivre la formation en français sur le temps de travail.

Désormais, ils bénéficient d’une autorisation d’absence pour suivre une formation linguistique visant
à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau qui sera fixé par décret.
Ces absences, dans une limite fixée par décret, constituent du temps de travail effectif et donne lieu
à maintien de la rémunération par l’employeur.

Enfin, les salariés allophones signataires du contrat d’intégration républicaine qui souhaitent mobiliser
leur CPF peuvent suivre une formation en français sur tout ou partie de leur temps de travail. Un décret
fixera la durée maximale.

Source : circulaire sociale UMIH 12-24