Fermetures administratives : ce que dit la loi
Fiches pratiques — 27 septembre 2019La loi n°2002-1094 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (J.O du 30 août 2002) a fixé les grandes orientations du programme pluriannuel d’action contre l’insécurité initié par le Gouvernement.
Après le projet de loi de finances pour 2003, qui vise à dégager les fonds nécessaires au financement de ce programme, une autre étape vient d’être franchie dans sa mise en œuvre.
La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est parue au Journal Officiel du 19 mars et vient traduire de manière effective les orientations de la loi du 29 août 2002.
Elle contient des dispositions importantes pour nos exploitants CHRD relatives aux fermetures administratives :
– réforme du Code de la Santé Publique sur les fermetures administratives des débits de boissons
– introduction d’autres cas de fermetures administratives : établissements diffusant de la musique, établissements de vente à emporter d’aliments, infractions aux règles de sécurité incendie
I- Fermeture Administrative des Débits de boissons et des Restaurants
Les propositions du Député Mariani, initialement déposées sous forme d’une proposition de loi, ont finalement été intégrées dans la loi pour la sécurité intérieure (article 114 de la loi).
La loi pour la sécurité intérieure vient donc réformer les articles L 3332-15 et L 3332-16 du code de la santé publique sur le régime des fermetures administratives (anciens articles L 62 et L 63 du code des débits de boissons) pour renforcer les garanties procédurales des exploitants de débits de boissons.
I-1 -Les textes (les modifications sont en italique)
Article L 3332-15 du code de la santé publique :
«1- La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l’Etat dans le département pour une durée n’excédant pas six mois, à la suite d’infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements.
Cette fermeture doit être précédée d’un avertissement qui peut, le cas échéant, s’y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d’une défaillance exceptionnelle de l’exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier.
2- En cas d’atteinte à l’ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l’Etat dans le département pour une durée n’excédant pas deux mois.
3- Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l’exception des infractions visées au 1[du présent article], la fermeture peut être prononcée pour six mois.
4 – Les crimes et délits ou les atteintes à l’ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et 3 [du présent article] doivent être en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation.
5 – Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ainsi qu’aux dispositions de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
6 – A Paris, les compétences dévolues au représentant de l’Etat dans le département par le présent article sont exercées par le Préfet de Police ».
Article L 3332-16 du code de la santé publique :
« Le ministre de l’intérieur peut, dans les cas prévus au 1 au 3 de l’article L.3332-15, prononcer la fermeture de ces établissements pour une durée allant de trois mois à un an.
Le cas échéant, la durée de la fermeture prononcée par le représentant de l’Etat dans le département s’impute sur celle de la fermeture prononcée par le ministre ».
I-2 -Les motifs
Les motifs restent les mêmes.
Le préfet peut donc ordonner la fermeture temporaire d’un débit de boissons :
– soit à la suite d’infractions aux lois et règlements applicables à ces établissements
Exemples : non-respect des heures de fermeture, des normes d’hygiène et de sécurité, des zones protégées….
– soit en vue de préserver l’ordre, la santé, la tranquillité ou la moralité publics
Exemples : tapage nocturne, drogue, personne en état d’ivresse, rixe.
– soit en cas de crimes ou délits prévus par les dispositions pénales en vigueur
I-3 -Durée de la fermeture
– Pour les infractions aux lois et règlements régissant les débits de boissons : il n’y a pas d’innovation en la matière.
La fermeture pourra donc être prononcée pour une durée maximale de 6 mois, comme par le passé. Elle demeure à la seule discrétion du Préfet (du préfet de police à Paris), le Ministre de l’Intérieur pouvant l’augmenter dans la limite d’une année.
– Pour une atteinte à l’ordre, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publics
En revanche, la durée maximale d’une fermeture motivée est réduite.
Elle ne pourra excéder désormais 2 mois en tout état de cause (au lieu de 6 mois auparavant), le ministère de l’Intérieur n’ayant plus le pouvoir de l’augmenter.
– Pour des actes criminels ou délictueux
La fermeture pourra être prononcée pour une durée maximale de 6 mois, comme par le passé. Elle demeure à la seule discrétion du Préfet (du préfet de police à Paris), le Ministre de l’Intérieur pouvant l’augmenter dans la limite d’une année.
I-4 -Garanties procédurales
A- Exigence d’un lien de causalité
La novation essentielle résultant de l’alinéa 4 de l’article L 3332-15 du Code de la Santé Publique réside dans la création d’une condition supplémentaire au prononcé des mesures de fermeture pour des actes criminels ou délictueux ou pour des atteintes à l’ordre, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publics.
Le préfet ne pourra désormais fermer l’établissement pour l’un de ces 2 motifs que si les faits sont en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation.
Autrement dit, le préfet devra établir l’existence d’un lien de causalité entre les infractions ou les troubles constatées et la fréquentation ou les conditions d’exploitation de l’établissement.
A défaut d’un tel lien de causalité, l’arrêté de fermeture serait entaché de nullité.
B- Procédure
Concernant la fermeture pour cause d’infractions aux lois et règlements régissant les débits de boissons, la procédure se déroule en 2 temps :
1- L’avertissement de l’exploitant
C’est une première mise en garde pour l’exploitant qui est alors tenu de se mettre en conformité.
2- La procédure contradictoire
Les exploitants doivent être mis en mesure de présenter leurs observations écrites ou orales conformément aux dispositions de l’article 8 du décret 83-1025 du 28 novembre 1983.
Les faits de nature à justifier une mesure de fermeture doivent être portés à la connaissance de l’exploitant qui doit disposer d’un délai pour présenter ses arguments en défense.
Seules l’exigence ou les nécessités de l’ordre public peuvent exceptionnellement justifier le non respect de cette obligation.
3- L’information des organisations professionnelles
Comme indiqué dans la circulaire du 7 janvier 1987, le Préfet est invité à informer ou à consulter les syndicats professionnels avant l’édiction de fermetures administratives, lorsque les nécessités de l’ordre public le permettent, et, en tout état de cause, de les informer systématiquement des mesures prononcées.
4- L’arrêté préfectoral de fermeture
Si l’exploitant ne prend pas les mesures nécessaires pour que cesse l’infraction, un arrêté de fermeture sera pris à l’encontre de l’établissement.
Il doit être motivé, c’est-à-dire que les faits justifiant la mesure de fermeture devront être clairement visés dans l’arrêté.
Nous rappelons que ces garanties procédurales existent déjà, mais sont dispersées :
– loi 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
– loi 79-587 du 17 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs
– décret 83-1025 du 28 novembre 1983 sur le principe du contradictoire
– et circulaires du 3 mars 1986 et du 7 janvier 1987 (rappelées aux préfets par circulaire du 23 avril 1987).
La loi a le mérite de les intégrer au sein même du Code de la Santé publique, ce qui va dans le sens d’une plus grande clarté juridique.
II- Autres cas de fermeture administrative
Etablissements diffusant de la musique (articles 67 et 69 de la loi)
La loi introduit dans le Code des Collectivités Territoriales deux articles, L 2215-7 et L 2515-14-2.
Ils prévoient que les établissements diffusant de la musique, ont l’activité cause un trouble à l’ordre ou à la sécurité publique, peuvent faire l’objet d’un arrêté de fermeture administrative d’une durée n’excédant pas 3 mois par le préfet (préfet de police à Paris).
Le fait pour le propriétaire ou l’exploitant, malgré une mise en demeure du préfet d’avoir à se conformer à l’arrêté de fermeture de ne pas procéder à la fermeture de l’établissement est puni par une amende de 3 750€.
Etablissements de vente à emporter (articles 66 et 68 de la loi)
La loi insère un article L 2215-5 et un article L 251-14 dans le Code Général des Collectivités Territoriales, prévoyant des mesures de fermetures administratives, pour une durée pouvant aller jusqu’à 3 mois, à l’encontre des établissements fixes ou mobiles de vente à emporter d’aliments assemblés et préparés, destinés à une remise immédiate au consommateur, dont l’activité cause un trouble à l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publique.
Ces mesures de fermeture interviennent sur arrêté du préfet (préfet de police à Paris).
La même peine d’amende de 3 750 € est encourue en cas de non fermeture de l’établissement.
Infraction aux règles de sécurité incendie (article 70 de la loi)
Dans le Code de la Construction et de l’Habitation, est inséré un article L 123-4, qui prévoit que le maire ou le préfet (préfet de police à Paris) peuvent, par arrêté pris après avis de la Commission de sécurité, ordonner la fermeture des établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité jusqu’à la réalisation des travaux de mise en conformité.
L’amende est également de 3 750 € en cas de non fermeture.
La novation réside dans le fait que le maire et le préfet ont désormais les mêmes pouvoirs en la matière.
Dans le régime antérieur (article R 123-52 du Code de la Construction et de l’Habitation), le maire et le préfet avaient certes la possibilité de prononcer, après avis de la commission de sécurité, la fermeture des établissements en infraction avec les règles de sécurité.
En revanche, le préfet ne pouvait prendre une mesure de fermeture qu’après avoir adressé au maire une mise en demeure restée sans résultat de procéder au prononcé d’un telle sanction. Autrement dit, il ne pouvait que se substituer au maire en cas d’inaction de ce dernier.
Aujourd’hui, le préfet peut édicter une mesure de fermeture sans avoir préalablement à mettre le maire en demeure d’y procéder.
Maire et préfet ont donc sur ce point des compétences identiques et le prononcé d’une fermeture administrative peut émaner indifféremment de l’un ou l’autre.
Source : circulaire juridique UMIH 03-14