Coronavirus : crédit d’impôt au profit des bailleurs
Fiches pratiques, L'actu du CHRD — 15 janvier 2021L’article 20 de la loi de finances 2021 du 29 décembre 2020 instaure un crédit d’impôt au profit des bailleurs qui consentent au plus tard le 31 décembre 2021, des abandons de loyers aux entreprises locataires particulièrement touchées par les conséquences des mesures restrictives prises pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Le dispositif, qui concerne uniquement les loyers du mois de novembre 2020, se traduit :
– pour les bailleurs d »entreprises de moins de 250 salariés, par un crédit d’impôt de 50 % des sommes abandonnées.
– pour les bailleurs d »entreprises de 250 à 5 000 salariés, par un crédit d »impôt de 50 % des sommes abandonnées, dans la limite des deux tiers du montant du loyer.
Enfin, les bailleurs pourront déduire de leur résultat fiscal la perte d’abandons de créances de loyers consentis entre le 15 avril 2020 et fin juin 2021 sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un intérêt commercial.
1) Caractéristiques du crédit d’impôt
a) Conditions d’application
Les bailleurs, qu’ils soient des personnes physiques ou morales, peuvent bénéficier du crédit d’impôt.
Les bailleurs personnes physiques doivent être domiciliés en France au sens de l’article 4 B du CGI (Code Général des Impôts). Une personne physique est considérée comme ayant son domicile fiscal en France
lorsqu’elle se trouve dans l’un des 4 cas suivants :
-elle a son foyer en France,
-elle a son lieu de séjour principal en France
-elle exerce son activité professionnelle en France
-elle a le centre de ses intérêts économiques en France
S’agissant des personnes morales, le crédit d’impôt n’est pas réservé aux bailleurs personnes morales de droit privé mais s’applique à l’ensemble des personnes morales assujetties à un impôt sur leur résultat. Cette mesure permet en particulier, d’inclure dans le champ d’application du crédit d’impôt les offices publics de l’habitat.
Par ailleurs, le crédit d’impôt peut s’appliquer aux entreprises qui bénéficient déjà de régimes d’exonérations prévus en faveur :
-des entreprises nouvelles, des jeunes entreprises innovantes, des entreprises industrielles en difficulté,
-des entreprises implantées dans les zones franches urbaines, les bassins d’emploi à redynamiser, les zones de restructurations de la défense, les zones franches d’activité outre-Mer, les zones de revitalisation rurale, les bassins urbains à dynamiser, les zones de développement prioritaire
Enfin, le crédit d’impôt est applicable aux entreprises qui au 31 décembre 2019 n’étaient pas considérées comme en difficulté. Au sens du droit européen, une entreprise en difficulté est une entreprise remplissant ne serait-ce qu’une seule des conditions alternatives suivantes :
-avoir des fonds propres inférieurs à la moitié de leur capital social
-bénéficier d’une aide au sauvetage et n’avoir pas encore remboursé (e prêt ou mis fin à la garantie
-bénéficier d’une aide à la restructuration et être toujours soumises à un plan de restructuration
-faire l’objet d’une procédure collective (procédure de sauvegarde ou de
redressement ou de liquidation judiciaire)
Les abandons ou renonciations définitifs doivent concerner obligatoirement les loyers hors taxe et hors accessoires échus au titre du mois de novembre 2020. Ces abandons doivent être afférents à des locaux situés en France. Ils peuvent être consentis jusqu’au 31 décembre
2021 inclus.
Les entreprises locataires doivent respecter les conditions cumulatives suivantes :
-elles doivent prendre en location des locaux qui font l’objet d’une interdiction d’accueil du public au cours du mois de novembre 2020 (y compris celles ayant exercé une activité de « click and collect » ou « de drive-in ». Exemple : les restaurant, ou exercer leur activité principale dans un secteur mentionné à l’annexe 1 du décret 2020-371 relatif au fond de solidarité (essentiellement les secteurs suivants : hôtelleries, restauration, cafés, tourisme, évènementiel, sport et culture.
-leur effectif doit être inférieur à 5 000 salariés. Pour l’appréciation de cette condition, il est tenu compte de l’ensemble des salariés des entités liées lorsque l’entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale. Le seuil de 5 000 salariés est calculé selon les modalités prévues à l’article L 130-1, 1 du code de la sécurité sociale et correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente. Enfin, la condition d’effectif ne s’applique pas aux entreprises locataires constituées sous forme d’association. Ces
dernières doivent toutefois être assujetties aux impôts commerciaux ou employer au moins un salarié.
-elles ne doivent pas être en difficulté au 31 décembre 2019 au sens de la
règlementation européenne (cf. conditions ci-dessus)
-elles ne sont pas en liquidation judiciaire au 1er mars 2020
Attention, l’administration peut exiger la production de justificatifs en cas de liens entre le bailleur et le locataire
En effet, lorsque l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, ou lorsqu’il existe des liens de dépendance entre elle et le bailleur (détention directe ou indirecte de la majorité du capital social, contrôle par une même tierce entreprise), le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné à la condition que le bailleur puisse justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l’entreprise
locataire.
Sur ce point, il ressort de travaux parlementaires qu’il ne s’agit pas de justifier « à priori », d’une difficulté de trésorerie avec une déclaration en amont et des pièces comptables, mais de pouvoir justifier d’une telIe difficulté en cas de contrôle « a posteriori ».
c) Calcul du crédit d’impôt
Le crédit d’impôt est égal à 50 % de la somme totale des abandons ou renonciations de loyers pour le mois de novembre 2020 dans le cas où l’entreprise locataire a un effectif inférieur à 250 salariés. Par ailleurs, aucun montant minimal d’abandon n’est fixé par la loi, un bailleur qui abandonne seulement une fraction du loyer du mois de novembre est donc
éligible au crédit d’impôt. De même, les abandons de loyers consentis par un bailleur pour une période autre que celle du mois de novembre 2020 ne pourront faire l’objet d’un crédit d’impôt.
Dans la cas où l’entreprise locataire a un effectif d’au moins 250 salariés et jusqu’à 5 000 salariés, le montant de l’abandon ou de la renonciation consenti par le bailleur au titre d’un mois est retenu dans la limite des deux tiers du montant du loyer prévu au bail échu ou à échoir au titre du mois concerné.
Dans le cas où le locataire a un effectif supérieur à 5 000 salariés, le bailleur ne peut pas bénéficier du crédit d’impôt.
Exemple 1 :
Un bailleur abandonne la totalité du loyer dû au titre du mois de novembre 2020, par une entreprise ayant un effectif de 3 salariés, soit 1200 €. Il peut bénéficier d’un crédit d’impôt égale à 600 € (soit 1200 € x 50 %).
Exemple 2 :
Un bailleur abandonne la moitié du loyer dû au titre du mois de novembre 2020 (loyer mensuel 10 000 € HT), par une entreprise ayant un effectif de 35 salariés, soit 5 000 € . Il peut bénéficier d’un crédit d’impôt égale à 2 500 € (montant abandonné soit 5 000 € x 50 %).
Exemple 3 :
Un bailleur abandonne la totalité du loyer dû au titre du mois de novembre 2020, par une entreprise ayant un effectif de 300 salariés, soit 30 000 € . Il peut bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 10 000 € (montant abandonné soit 30 000 euros x 2/3) x 50 %).
d) Plafond et imputation comptable du crédit d’impôt
Le montant du crédit d’impôt pouvant être perçu par le bailleur, ne peut excéder 800 000 euros soit le plafond défini par la Commission européenne le 19 mars 2020 dans sa communication sur « l’encadrement temporaire des mesures d’aides d’Etat visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de Covid-19 ».
En d’autres termes, pour un locataire employant moins de 250 salariés, le montant total des abandons de loyers donnant lieu à crédit d’impôt ne peut excéder 1 600 000 € (soit un crédit d’impôt de 800 000 € pour le bailleur). Pour un locataire employant entre 250 et 5 000 salariés, le montant total des abandons de loyers donnant lieu à crédit d’impôt ne peut excéder 2 400 000 € (soit un crédit d’impôt de 800 000 € pour le bailleur).
Le crédit d’impôt s’applique pour le calcul de l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année civile au cours de laquelle les abandons ou renonciations définitifs de loyers ont été consentis, y compris en cas de clôture d’exercice en cours d’année civile. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de cette année, l’excédent est restitué. Si aucun impôt n’est dû au titre de l’année pour laquelle le crédit d’impôt est déclaré, l’intégralité du montant du crédit d’impôt est remboursée.
En tout état de cause, l’administration fiscale a confirmé que l’année au titre de laquelle le bailleur bénéficie du crédit d’impôt dépend de la date à laquelle l’abandon du loyer est consenti. Ainsi, les abandons consentis jusqu’au 31 décembre 2020 seront pris en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu ou les bénéfices 2020 (ou de l’exercice en cours à la date de l’abandon), alors que les abandons consentis à compter du 1er janvier 2021 seront pris en compte dans le calcul de l’impôt sur les revenus ou les bénéfices de 2021 (ou de l’exercice en cours à la date de l’abandon).
Dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré, la société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l’imputation sur le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe.
e) Obligations déclaratives
Pour bénéficier de l’avantage fiscal, les bailleurs doivent déposer une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration dans les mêmes délais que la déclaration annuelle de revenu ou de résultat. Ce document n’est pas disponible au moment de la parution de cet article.
La société mère d’un groupe fiscal intégré déclare les crédits d’impôt pour le compte des sociétés du groupe, y compris ceux qui la concernent, lors du dépôt de la déclaration relative.
2) Prolongation du soutien fiscal pour les abandons de loyers consentis jusqu’au 30 juin 2021
Parallèlement à l’instauration de ce crédit d’impôt, le gouvernement appelle également les propriétaires à procéder à des abandons de loyers afin d’aider les locataires qui connaissent des difficultés de trésorerie. Ces abandons suscitent notamment deux types de difficultés sur
le terrain fiscal :
-du côté du bailleur, ils posent la question de savoir s’il s’agit de charges déductibles
-du côté du locataire soumis aux règles de la fiscalité des entreprises, il convient de déterminer s’il s’agit de produits imposables
En l’état actuel du droit fiscal, la renonciation par un bailleur à percevoir les loyers qui lui sont dus pouvait en effet, être doublement sanctionnée puisqu’il ne perçoit pas les loyers et il est quand même imposé sur ces loyers s’il n’est pas en mesure de démontrer que cette renonciation constitue un acte de gestion « normal »> ou que le locataire est en procédure collective (Article 39, 1-8o et 39,13 du Code Général des Impôts).
C’est pour sécuriser le traitement fiscal de ces opérations qu’il a été institué cette mesure dérogatoire au droit commun, tant pour les bailleurs que pour les locataires.
Les entreprises qui acceptent d’abandonner des créances de loyers pourront ainsi déduire ces abandons de créances de leur bénéfice imposable, sans qu’il soit nécessaire de justifier du caractère normal d’un tel abandon. Il s’agira, en effet, d’une charge dont la déduction est expressément prévue par la loi, comme cela existe déjà pour les abandons de créances au profit d’entreprises en difficulté. Cette charge viendra en pratique compenser le produit constaté en comptabilité à raison de la créance de loyers.
A titre d’exemple, si une société propriétaire des murs d’un hôtel consent un abandon des loyers dus par l’exploitant hôtelier, cet abandon de créance sera déductible de son résultat imposable sans qu’il soit nécessaire de justifier du caractère normal d’une telle opération.
Pour les particuliers : les renonciations à percevoir des loyers futurs et les abandons de loyers ne seront pas considérés comme des revenus fonciers imposables.
Le champ d’application de cette déduction fiscale est large, dans la mesure où sont notamment visés les loyers taxés dans la catégorie des revenus fonciers (location-nue), des bénéfices non-commerciaux (sous-location) ou soumis à l’impôt sur les sociétés.
Le dispositif est temporaire : il concerne les abandons de créances et les renonciations à des loyers consentis entre le 15 avril 2020 et le 30 juin 2021.
Plusieurs conditions doivent toutefois être remplies afin de bénéficier de cette mesure :
-le locataire doit être une entreprise
-le bailleur et le locataire ne doivent pas être des entreprises liées au sens de l’article 39, 12o du Code Général des Impôts. On rappelle que des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre sous le contrôle d’une même tierce entreprise
-lorsque l’entreprise du locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur personne physique, le bailleur doit pouvoir justifier par tous moyens les difficultés de trésorerie du locataire.
En outre, la déduction des loyers « abandonnés » ne remet pas en cause la possibilité pour les bailleurs de déduire les charges correspondant à ces revenus.
Pour les entreprises locataires, l’abandon de créance constituera un produit imposable qui viendra compenser la charge de loyer correspondante.
Enfin, lorsque les loyers sont soumis à la TVA (de plein droit ou sur option), un loyer abandonné et donc non encaissé ne donne en principe pas lieu à la collecte de TVA par le bailleur. Nous attirons toutefois votre attention sur les deux éléments suivants :
-option pour les débits : si le bailleur a opté pour les débits, la TVA est exigible au moment de l’émission de la facture de loyers. Ainsi, si le loyer est abandonné alors que la facture correspondant à ce même loyer a déjà été émise, le bailleur devra suivre la procédure des impayés afin de re-créditer la TVA préalablement collectée.
-droits à déduction du bailleur au titre des frais généraux en cas d’immeuble générant à la fois des loyers soumis à la TVA et des loyers exonérés de TVA : dans cette situation, l’abandon de loyers soumis à la TVA par un bailleur pourrait impacter négativement sa capacité à récupérer la TVA au titre de l’année concernée via une dégradation de son coefficient de taxation (déterminé, en principe, par le rapport entre le chiffre d’affaires soumis à la TVA et le chiffre d’affaires total).
En tout état de cause, il est vivement conseillé de contractualiser toute remise de loyer via un avenant spécifique au contrat de bail.
Source : circulaire fiscale UMIH 02-21