Vidéosurveillance et salariés
Fiches pratiques, L'actu du CHRD — 11 août 2011
La surveillance et le contrôle des salariés sur le lieu et pendant le temps de travail, ainsi que la possibilité de sanctionner des comportements considérés comme fautifs sont des prérogatives reconnues à l’employeur.
L’employeur peut donc contrôler et surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, notamment à l’aide d’un système de vidéosurveillance. Pour autant, le moyen de contrôle ne doit pas être disproportionné aux droits et libertés des salariés.
Il convient donc de respecter les principes suivants :
- La mesure de surveillance doit être justifiée et proportionnée au but recherché (article L.1121-1 du Code du Travail) : l’employeur doit justifier d’un intérêt légitime prépondérant et doit respecter les droits individuels et la vie privée des salariés.
- L’employeur doit informer et consulter les représentants du personnel préalablement à la mise en place du système de contrôle (article L.2323-32 du Code du Travail) afin de recueillir leur avis. Cela étant, l’employeur n’est pas lié par cet avis et peut installer les caméras même si les représentants n’y sont pas favorables.
- L’employeur doit informer préalablement les salariés de la mise en place du système de vidéosurveillance (article L.1222-4 du Code du Travail) : il est recommandé à l’employeur de pouvoir attester que les salariés ont eu accès à cette information (ex : note de service, courrier remis en main propre,…).
- L’employeur doit effectuer une déclaration auprès de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) préalablement à l’installation du système (l’employeur est dispensé de cette obligation si un des salariés a été désigné correspondant informatique et liberté).
Il est important que l’employeur respecte les conditions susvisées. En effet, l’enjeu est primordial car lors d’un contentieux prud’homal, les enregistrements issus de moyen de contrôle légitime pourront être utilisés comme moyen de preuve licite à l’appui d’un licenciement pour établir la faute du salarié.
A contrario, la preuve résultant d’un moyen de surveillance clandestin est illicite, ce qui rend sans cause réelle et sérieuse le licenciement si ce dernier repose uniquement sur ces informations.
On se situe dans l’hypothèse d’un système de vidéosurveillance de l’activité des salariés durant le temps de travail. Toutefois, qu’en est-il lorsque la vidéosurveillance est installée dans l’établissement non pas pour contrôler l’activité des salariés, mais pour répondre à des exigences réglementaires de sécurité des personnes et des biens;
La chambre sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt en date du 2 février 2011 s’est prononcée sur ce point, à savoir la licéité de la preuve apportée par vidéosurveillance lorsque la finalité initiale du système n’est pas le contrôle des salariés.
Les faits sont les suivants :
Un barman de casino a été licencié pour faute grave pour avoir omis d’encaisser de nombreuses consommations.
Ces faits ont été découverts grâce aux caméras de surveillance fonctionnant en permanence dans l’entreprise et dont l’installation était rendue nécessaire par des dispositions réglementaires afin de répondre à des impératifs de sécurité des personnes et des biens, et plus précisément contre des risques d’agression.
Ainsi, la finalité initiale du système n’était pas de contrôler l’activité des salariés. Néanmoins, l’ensemble du personnel du bar avait été avisé de la présence des caméras au sein de l’établissement.
Contestant la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud’hommale et fait valoir que les enregistrements produits par l’employeur constituaient un mode de preuve illicite étant donné que la finalité desdits films était d’assurer la sécurité des personnes et des biens, et non de contrôler l’activité des salariés. Ces vidéos ont donc été détournées de leur objet.
De plus, le salarié fait valoir une atteinte disproportionnée et injustifiée à sa vie privée et à ses libertés du fait que les caméras fonctionnaient en permanence.
Le conseil des prud’hommes, ainsi que la cour d’appel déboutent le salarié de ses demandes estimant que les enregistrements litigieux étaient recevables dans la mesure où « l’ensemble du personnel de la brasserie et du bar du casino avait été avisé de la présence de caméras de vidéosurveillance fonctionnant en permanence conformément aux prescriptions réglementaires en la matière. »
La Cour de Cassation a confirmé la position des juges. De ce fait, peu importe la finalité initiale du système : même s’il n’était pas voué, à l’origine, à surveiller les salariés, l’enregistrement peut servir à étayer une sanction disciplinaire, dés lors que les conditions de mise en place de tout système de contrôle de l’activité du personnel sont remplies.
Concernant l’atteinte injustifiée et disproportionnée à la vie privée et aux libertés du salarié, la Cour de Cassation a retenu que « l’enregistrement de la caisse ne portait pas atteinte à la vie privée du salarié ». En effet, les caméras ne filmaient pas le salarié mais l’activité de la caisse, soit le poste.
A RETENIR :
– préalablement à la mise en place d’un système de surveillance de l’activité des salariés, l’employeur doit respecter les conditions suivantes :
► s’assurer du caractère justifié et proportionné du système de contrôle,
► informer et consulter les représentants du personnel,
► informer individuellement les salariés,
► déclarer le système auprès de la Cnil.
– il est conseillé que lorsque des impératifs de sécurité justifient la présence de caméras filmant en permanence un poste de travail, l’employeur oriente les systèmes de contrôle afin qu’ils soient le moins intrusifs possible pour le salarié.
Source : circulaire sociale UMIH 28-11